Carmen Denali

A whole story

Je le regarde.

Etrange, je ne peux pas m’empêcher de le regarder. Mes yeux, constamment, sont sur lui, guettant un signe, un regard, un pli au coin de ses lèvres. J’aime regarder son visage. Si la vie aurait été différente, je l’aurais regardé dormir. Je ne m’en lassais pas. Il me semblait que ma vie n’avait pas de sens avant lui, pas d’histoire. Et pourtant, j’en ai une. Le seul point qui nous rapproche si fort des mortels. Une histoire. Il est comme moi, espagnol. L’Espagne. Quel beau pays, chaud, ensoleillé. Pays de passion et d’intense. C’est ce que nous sommes. Lui, sait être calme, posé, mais j’aime voir son sang bouillir, d’amour pour moi, de désir, de colère. Je suis comme lui, un peu. Si je n’ai pas cette maitrise de mon sang hispanique, mes colères sont terribles, passionnées, incandescentes je sais m’apaiser a ses côtés. Lorsque nous nous opposons un brasier nait. Pourtant, je sais me faire douceur, tendresse. Ma naissance m’a faite douce avec les miens. Lionne protectrice. Je sais que je n’hésiterais pas a tuer pour lui, pour eux. Qu’importe, mortels ou non. Ils sont cette raison qui me fait encore avancer dans cette éternité.

Je l’entends.

J’aime sa voix. Apaisante a mon cœur. Tendre lorsqu’il me murmure ce que je suis pour lui. Brulante lorsqu’il m’aime. J’ai traversé des siècles sans lui, des décennies. Aujourd’hui, je sais que je n’ai pas réellement vécue. Fille a marier, cadette de surcroit. L’Espagne en ce temps vivait de guerre, de lutte de pouvoir, divisée, atrocement divisée. J’étais destinée a la religion moi qui ne croit qu’en lui…Idiotie ! Je me suis enfuie a 14 ans, rejoignant un groupe de gitans. Qu’importe l’opprobre jetée sur ma famille, je n’en avais cure. Je voulais vivre, passionnément, intensément. J’ai aimé des hommes parmi eux, cette liberté me grisais, m’enivrais. Surtout, j’ai appris la danse. Passion brulante que celle là. Je me suis perdue au rythme de la musique, j’ai découvert qu’il n’y avait nul besoin de mot pour hurler a la face du monde, nul besoin de voix pour crier, nul besoin de langue pour s’exprimer. Peu à peu, je suis devenue cette gitane un peu sauvageonne, un peu fantasque. Le joyau de leur spectacle de danse. Je volais littéralement sur la scène, exprimais la douleur, la joie, la haine…l’amour, la passion. Nous parcourions les routes de l’Espagne, quémandant l’aumône, la pitié peut être dans notre fierté. J’ai aimé cette vie. Sucrée, pimentée. J’étais un sourire, un éclat de rire, une comptine pour ses enfants qui naissaient dans les roulottes. J’étais cette grande sœur qui les accueillait la nuit venue, luttant pour eux contre les fantômes. Etrangement, je n’ai jamais enfanté, pourtant, j’aurais aimé, un bébé, la chair de ma chair. Un petit être a chérir a regarder grandir. Mais il est des regrets qui ne valent pas que l’on s’y attarde. Petite gitane enflammée. Peut être est ce cela qui attira les regards d’Esteban. J’avais 20 ans. J’étais jeune, fougueuse, tendre et volontaire. Un étrange mélange qui le ravit, mais ceci ne fut rien comparé a ce qu’il ressentit a me voir danser. Se trompa-t-il sur le message ? Sur ce qui s’exprimait par ma danse sauvage ? Jamais il ne me le dis. Mais il m’attira inexorablement dans les ténèbres d’une vie éternelle. J’ai souffert entre ses bras, lentement, doucement, tandis que le venin corrompait chaque fibre de mon être. Je ne sais pas si j’ai réellement choisit cette vie, même encore maintenant. Mais j’aime a me dire que le destin savait car sans cela, je ne l’aurais pas connu, pas aimé, pas désiré. Sans cela, je n’aurais pas Tanya,Katrina, Garett, Matthew…Sans cela…je ne sourirais sans doute plus maintenant.

Il me touche.

Douce caresse sur mon épaule dénudée. Prémices affolants, délicieux. J’aime ses mains, je les ai toujours aimée. Même lorsqu’elles étaient au service des Volturi. C’est là que je l’ai vu. Esteban était mort, je le savais. Las de cette vie éternelle, las de tout, il avait embrassé son trépas avec un sourire aux lèvres, me laissant seule, atrocement seule. Chercher une famille, un tout, voilà ce qui m’avait animée a cette époque. Un semblant d’amour, une illusion, une chimère…Les Volturi. J’ai cru en eux, en ce mensonge. Je n’étais pas une meurtrière et humaine, je l’avais été. M’abreuver de sang avait toujours été une épreuve, une blessure. Je ne pouvais pas cacher avoir tué, hypnotisée, aimantée par ce liquide chaud, doux, extatique. Je possédais cette force de caractère intense et inébranlable qui me maintenait que ce chemin que j’avais choisis. Je n’aimais pas les Volturi. Pourquoi m’avaient ils acceptée ? Je n’avais aucun don extraordinaire sauf…Je crois que c’est cela qui leur ont plut. Cette danse, cet art que je maitrisais. Ils aimaient me voir danser. Un semblant d’humanité dans leur immortalité. Je dansais pour eux. Encore et toujours. Pourtant, ma danse devint amour, désir, passion étouffées sous son regard. Ma fierté, mon indépendance…Je lui ai tout sacrifié. J’ai eut peur aussi, pour la première fois de ma vie. Peur qu’il me rejette, peur qu’il m’ignore. Imbécilité lorsque j’y repense. Mes pas, mes gestes, ils devinrent lui. Ce que je ne pouvais dire, je les hurlais dans une volte, dans un pas chassé. Il n’a rien vu. Peut être étais je condamnée a ce qu’il ne me voit pas, a ce que n’il ne me voit jamais. Il me fit mal. Mal par cette indifférence. Je l’ai su quand mes yeux aussi sombres que l’enfer se sont posés sur lui. Mon reflet. Mon regard. Les élans de mon âme. Ce miroir inéluctable. Cet autre moitié d’un tout. Je n’imaginais plus ma vie sans ses yeux, sa voix, ses mains. Le mot « amour » est si fade, le mot « passion » si faible. Il a été le monde pour moi. Tout de suite. Dès que je l’ai vu.

Il me sourit.

Ce sourire. Dieu, je me damnerais pour ce sourire. Doux, charmeur, sensuel, charnel , ironique, dédaigneux. Toute une gamme sur laquelle il joue. Ce sourire, j’avais cru mourir de son absence lorsque j’ai quitté les Volturi. Je ne pouvais plus, je ne pouvais pas. Feindre ce détachement, aimer ôter la vie. Mon cœur chaleureux, généreux se brisait a chaque fois un peu plus. Alors je suis partie, laissant mon âme derrière moi, laissant peut être qu’un souvenir a moitié effacé dans sa mémoire. La suite n’est qu’errance, que perdition. Etais je donc si vide sans lui ? Et ces regrets, atroces, acides qui me vrillaient le cœur. Si j’avais osé…Si j’avais pris ma volonté en main..Si…Si…Mais le monde ne se reconstruirait pas sous mes désirs. J’avais laissé mon cœur au creux de ses paumes, peut être l’écraserait il, peut être l’embrasserait il. Je ne le saurais jamais en vérité. J’ai vécu seule. Trop peut être, mais comme un pied de nez au destin, j’avais besoin de cette solitude pour m’épanouir encore un peu plus. J’ai voyagé, un peu, beaucoup, passionnément, souhaitant oublier son souvenir. Idiotie. Je suis devenue plus tempérée, plus douce encore. Tendre et magnifique espagnole aux cheveux d’ébène. Certain hommes m’ont aimés, je n’en ai aimé aucun. On ne peut partager l’amour, c’est impossible et le mien, c’est Eleazar. Eleazar…M’a-t-il retrouvée ? Ou l’ais je retrouvé ? Ou encore, le destin a-t-il voulu cette rencontre ? Je ne sais pas, je m’en fiche. Trente ans nous séparait de notre dernière rencontre. J’avais cru a son indifférence, sa froideur qui me glaçait moi l’ibérique. Et pourtant…

Il m’embrasse.

Ce gout enivrant, délicieux qui jamais ne quitte réellement mes lèvres. Je l’ai gouté pour la première fois il a plus de deux cents ans. Je m’étais fourvoyée, me pensant invisible a ses yeux. Un seul baiser me prouva le contraire. Son audace, sa fougue, ce qu’il m’avait caché de lui. Je retombais amoureuse, atrocement amoureuse, éternellement amoureuse. Il m’avait choisit, j’avais fait de même. Accord tacite, promesse scellée dans l’étreinte brulante qu’il m’offrit, me faisait redécouvrir mon propre corps, ma propre âme. A son tour, il quitta les Volturi, me choisissant moi a ce qu’ils promettaient comme un mensonge. Nos visions étaient les même. Tuer ? Pourquoi tuer ? Pourtant, nous n’avions pas le choix et peut être soulagerions notre conscience en devenant des anges de la mort. Lorsque la douleur est telle, la souffrance atroce et terrible, n’est il pas plus belle récompense que la mort ? Comme un soulagement attendu, espéré. Je sauvais un peu de moi dans cet acte, même si le gout de la mort est toujours amer. C’était un choix qui était notre, je retrouvais ma force dans ses yeux, celle de continuer encore. Tant qu’il était là, tout était possible.

Il m’enlace.

Etreinte soulante, mêlant subtilement empressement, passion et tendresse. Une valse improbable que lui seul sait créer. C’est dans ses bras que je n’étais que moi, sans fard, sans artifice. Nue et délicate. Passionnée et douce. C’est au creux de lui que j’ai découvert un autre mode de vie. Denali. Un nom qui ne fut pas celui de ma naissance, un nom que je choisis, que l’on m’accorda, comme une renaissance. Tzigane indomptable, tigresse maternelle, je découvris l’amour d’un clan. Comme une famille qui se soude, qui se reconnait comme semblable. Je les ai aimées. Tout de suite. Comme une évidence qui n’attendait que nous. J’étais plus jeune peut être, oh oui, mais qu’importe ce que nous avions vécu, ma place fut celle d’une mère. Je les regardais. Les admirait, mes filles si belles. S’ouvrir a l’amour, a la souffrance. Je fus là lorsque Katrina connu la douleur de la perte. Là aussi lorsque Tanya retrouvait le sens de sa vie. Là encore lorsque Garett nous rejoins. J’étais cette ombre qui veillait constamment. Ils étaient mon trésor absolu, quiconque les blesse me blesse avec une égale force. Je me suis découverte intransigeante, implacable aussi. Ne jamais les toucher, jamais, car ma colère n’aurait plus de bornes et quitte a mourir, je vous emporterais avec moi.

Il me soulève.

La lune est haute et je délaisse cette plume pour réécrire encore ce que ne suis qu’avec lui…

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