Black paw who’s soaring || Azel Volkov ♠ [40%]

A whole story

« Ce qui nous détermine ce sont nos choix ; ce qui fait notre identité: ce que nous devenons et non ce que nous sommes. Car au commencement nous ne sommes rien. J’avais beau tenter de suivre mille chemins, j’ai compris trop tard qu’il fallait que je trace mon propre sentier. Peu importe la direction que je prenais, je finissais toujours par me perdre. Mais au fond, j’ai toujours su que ma place était auprès d’eux, mauvais ou non. Les loups étaient ma vie, la lune était mon soleil. Et moi je ne pouvais échapper à ces nuits blanches. J’ai fait le choix d’accepter ma condition, d’accepter pour unique lumière celle de la lune. Et ça, pour l’éternité. »

«Chassez le naturel, il revient au galop…»

Depuis la nuit des temps, avant même que l’ère de la civilisation ne se lève, nous sortons une griffe pour protéger les nôtres. C’est un devoir auquel nous ne pouvons échapper. Et pour s’assurer que nous accomplissons ce devoir, la nature nous a enchaîné à elle de ses liens les plus puissants. Dans mon cœur, ce devoir était légitime. J’ai toujours su où était ma place, chaque choix que je ferais sera fait en fonction de ce que je suis. Je n’ai jamais eu peur de mourir pour l’honneur ou d’avancer sur la mauvaise pente pour protéger ceux que je devais protéger.
Lorsque le vent froid s’est abattu sur notre ville, j’ai su que le moment allait arriver. Une odeur acide s’est propagé comme une épidémie, c’était l’ennemi qui s’avançait sur notre terrain. Pour moi, c’était le début de ma vraie vie.
Hiver 1991, Pologne. Je suis née dans les terres arides de ces plaines qui ont été mon berceau durant plusieurs années. Ma famille vivait isolée de la société, nous formions avec d’autres familles un clan resserré. J’ai su très tôt ce que j’allais devenir, nous n’avions aucun secret l’un pour l’autre. Siècle après siècle notre famille avait protégé les humains des sang-froid, nous étions le clan le plus respecté du monde. Mon père était le chef de la meute, il m’avait inculqué les bases de son savoir avant même que je ne sois l’une des leur. Je n’avais connu rien d’autre que les rangs fermés de notre clan, tout ce qui se trouvait au dehors m’était inconnu. J’imaginais un monde hostile et fragile à la fois, peuplé de ces suceurs de sang. Je n’avais aucune idée de ce qui pouvait se trouver derrière les barrières qu’avait construite la meute pour me protéger. J’étais fille unique, dernière de la lignée des Volkov et par conséquent on devait me protéger avant que l’heure ne soit venue pour moi de voler de mes propres ailes. Il arrivait que certains du clan partent quelques temps pour chasser des vampires, mais quelques fois ils ne revenaient pas tous. J’étais consciente des dangers que représentaient notre devoir, mais je savais qu’au-delà de tout ça, il y avait une cause à honorer et que cette mort était héroïque. Nous faisions partie d’une légende vivante et nous devions faire en sorte que l’Histoire soit marquée par nos actes qu’importe si nous devions perdre nos âmes ou nos vies. On me racontait que pour d’autres loups, nous étions victimes d’une malédiction, d’une injustice de la nature. Pour eux, la lune était un fléau qui leur ôtait leur chère humanité. Mon enfance ressemblait à un conte de fée, nous étions les gentils et eux les méchants. Le mal et le bien semblaient délimités par nos deux races. Jamais je n’aurais cru qu’un jour tout s’inverse, que toute cette vie allait s’effondrer une nuit de pleine lune. Ma nuit de pleine lune. Tout est allé très vite, si vite que je n’avais plus aucun souvenir de ma transformation. Et tous les autres soirs de pleine lune n’étaient que des moments troubles, perdus sur le moment. Je ne comprenais pas, je voulais des réponses mais mon clan restait muet face à mes interrogations. J’ai vite compris qu’eux non plus ne comprenaient pas grand-chose à tout ça.
Douze lunes dans l’ombre passées isolée du reste, je voulais comprendre par moi-même. Mais je me heurtais inexorablement au mur de l’ignorance. Je n’étais qu’une enfant qui tentait de saisir le sens des choses ; ma famille m’avait menti pour me protéger, pour que je ne sombre vers l’obscurité de la vie animale. Le jour de mes quinze ans, mon clan s’est réuni pour me raconter la vérité sur les loups. Au début du treizième siècle quelques humains avaient découvert l’existence des vampires, des êtres froids immortels à la beauté insolente du Diable. Ma famille pensait être victime d’une malédiction. Elle voulait se repentir afin d’être lavée de ses crimes. Mais les choses n’étaient pas aussi simples.
C’est alors qu’un pacte fut signé. Un traité entre les autorités polonaises et ma famille. Nous devions vivre hors de la ville mais nous étions permis de revenir les nuits de pleines lunes. Ennemis naturels des vampires, il était évident que nous les traquions sous notre forme bestiale. Ces nuits-là, les habitants avaient pour ordre de rester chez eux, car le nombre de victimes n’étaient pas négligeable. Au fil des années d’autres loups, de naissance ou non, venaient rejoindre nos rangs. Eux aussi voulaient utiliser cette force au service d’une cause qui ferait d’eux des êtres respectables. Mes parents avaient voulu fonder une famille, il était prévu que je naisse deux semaines après une pleine lune. J’aurais dû être une simple humaine, mais le destin en a décidé autrement. Je suis née une semaine à l'avance et n’a pas échappé au fléau. Toutes les lunes du monde feront de moi un monstre. Le mal, au final, c’était peut-être nous. J’avais la sensation d’être en plein cauchemar, je voulais me réveiller et retrouver la douceur de mon ancienne vie. Retrouvée celle que j’étais, pleine de candeur.
Il m’a fallu de nombreuses années pour leur pardonner. Et pardonner quoi au juste ? Ils avaient voulu me protéger, ne pas m’effrayer. Leurs valeurs étaient au fond assez pur. Mais moi ? Quelles étaient mes valeurs à présent que j’avais le choix ? Je pouvais continuer sur ce chemin incertain ou m’abandonner à celle que j’étais vraiment. J’assistais impuissante à l’écroulement de mon monde, je n’étais pourtant pas si différente de l’enfant utopique que j’étais. Je voulais y croire désespérément, mais il n’y avait plus rien à quoi s’accrocher. Peu après mes dix-neuf ans j’ai fait le choix de rester auprès d’eux malgré tout. J’aimais ma famille et mon clan, c’était après tout mon seul monde. Mes parents, après tant de siècles d’expériences avaient su contrôler un minimum leur esprits lors des pleines lunes. Alors pourquoi pas moi ? Les doutes emplissaient cependant ma tête.
Trois jours avant une pleine lune, un groupe de vampires s’étaient infiltrés sur notre terrain. J’avais perçu leur odeur à des kilomètres, une odeur si puissante qu’elle m’en donnait la nausée. Nous étions impuissants face à eux, en quelques heures ils avaient détruit notre territoire et tuer tous les membres du clan. Je n’ai pas assisté au massacre, je partais toujours une semaine avant une pleine lune pour me vider les esprits. A mon retour cette odeur putride mêlée à celle de la mort emplissait mes narines. Il fallait fuir la Pologne si je voulais rester en vie. J’étais à présent libérée de toutes les chaînes qui m’entravaient, j’étais libre comme l’air. Vaste liberté dans laquelle j’avais peur de me perdre, je ne connaissais rien du monde. Je me retrouvais face milles et une possibilités, j’allais devoir faire un choix pour enfin devenir quelqu’un.

«Acte II ; l’inertie »

En un souffle, ces vampires avaient anéantis toute ma vie. Je refusais de verser la moindre larme, mieux valait tout oublier pour recommencer. Je n’étais plus une enfant, il fallait que j’affronte avec force ce qui m’attendait au dehors. La Pologne n’était plus qu’une terre étrangère, j’ai parcouru l’Europe pour finalement m’installer en Italie. Je recherchais la sérénité pour mieux me retrouver, j’étais plongée dans une sorte d’inertie contemplative. Devant moi se dressait des possibilités auxquelles je n’avais jamais pensées, il était à présent temps pour moi de faire des choix. Je ne pouvais nier ce que j’étais, et je ne le voulais pas non plus. J’étais une enfant de la lune et fière de l’être. Au-delà ne pas pouvoir assurer la protection des autres, je devais me protéger moi-même. Les sang-froid restaient nos ennemis, je les détestais parce qu’ils m’avaient volée ma vie. Nous n’étions peut-être pas un exemple de pureté mais les vampires étaient mauvais consciemment. Notre race l’était uniquement lors de ces lunes rondes, nous n’avons aucun pouvoir sur ce qui pourrait arriver. Avec le temps j’ai appris à ne plus redouter mes transformations bien que je me réveillais souvent au milieu d’une flaque de sang et de corps décharnés. Culpabiliser ne servait plus à rien, j’étais libre. Je ne m’étais jamais mêlée aux humains, je venais d’un autre univers, un mythe vivant qui ne pouvait se fondre dans la réalité. Je préférais retrouver d’autres loups, je voulais me sentir entière et je ne pouvais l’être qu’avec les miens. Cette unité dont je rêvais me paraissait pourtant inaccessible, je ne savais rien sur les autres meutes. Il y avait encore tant à apprendre sur les loups, sur le monde, sur les humains et les vampires. Tant de choses dont j’ignorais les causes. Je me sentais impuissante, mais en même temps tellement invincible. Prête à combattre n’importe quel obstacle quitte à me perdre dans cet univers dont j’arrivais à peine à saisir le sens.
Quelques lunes avant mon vingtième anniversaire, je m’étais réveillée au milieu d’un champ de ruines, des cadavres abandonnés, vidés de leur sang. Jamais je n’avais fait autant de victimes, je regardais avec impuissance les corps découpés. J’observais de longues heures les marques de mes dents sur leur peau, je m’imaginais déchiqueter leur membres un à un avec force. Je les avais trainé jusqu’aux bois, les traces de mes pattes sur la terre semblaient encore brûlantes. Qui étais-je en réalité ?

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